GALLES (PAYS DE)

GALLES (PAYS DE)
GALLES (PAYS DE)

S’étendant sur un peu plus de 20 000 km2, peuplé en 1991 de 2 798 500 habitants, le pays de Galles constitue, à l’ouest de la Grande-Bretagne, un élément de sa «frange celtique». Bien plus étroitement intégré, depuis le XIVe siècle, au système politique anglais que l’Écosse ou l’Irlande ne l’ont jamais été, le pays de Galles n’en a pas moins conservé les traces profondes d’un peuplement particulier, de mœurs et d’une culture spécifiques, d’une indépendance passée. Celles-ci justifient un nationalisme contemporain aux ambitions, succès et fondements souvent remis en question; elles valent au territoire, dans la langue celtique qui, en 1981, n’était plus parlée que par 18,9 p. 100 de la population, son appellation brittonique de «Cymru». Et, lors des cérémonies, le drapeau nationaliste, un dragon rouge sur fond vert et blanc, proclame la volonté de certains de ne pas se ranger sous l’autre bannière, royale anglaise, qui, depuis 1953, a enrichi le dessin initial d’un écusson surmonté de la couronne impériale. Le caractère local, la vigueur d’un peuple de paysans, de mineurs, d’ouvriers d’industrie, l’exagération du vocabulaire et des discours enflammés ont pourtant aussi valu au pays politique britannique de connaître ses hérauts étincelants, gallois d’origine, mais voués à leur tâche nationale: David Lloyd George, pendant quatre décennies au XXe siècle, et Aneurin Bevan, des années 1930 à sa mort en 1960, en ont été les archétypes indiscutables.

Le poids du milieu

La géographie et l’histoire ont contribué à façonner l’ensemble gallois. Tant il est vrai que ses limites administratives d’aujourd’hui doivent davantage à des conflits séculaires, à des conquêtes et à leurs suites, qu’à un déterminisme de la nature.

Le relief est celui d’un massif primaire, principalement réduit à un plateau disséqué par de profondes vallées, bordé d’une côte plus plate, et dominé par des sommets qui culminent au nord-ouest au mont Snowdon à environ 1 200 m et s’abaissent au sud-est jusqu’à moins de 800 m. Les rivières, dont la Severn, ont pu servir de fils conducteurs aux envahisseurs, les défenses naturelles ont favorisé longtemps une situation de refuge celtique: au temps des Romains, qui n’ont achevé la conquête qu’en 78 de notre ère, comme à l’encontre des Anglo-Saxons. À nouveau, lorsque l’Angleterre succombe devant les entreprises normandes, plusieurs siècles sont nécessaires à ses rois conquérants pour parachever la soumission du pays de Galles; mais, si le titre de prince de Galles est, pour la première fois, conféré au prince héritier de la Couronne anglaise en 1301, il faut attendre le XVIe siècle et le règne autoritaire de Henri VIII pour que l’Union devienne un fait (1526). Des héros nationaux et des souvenirs exaltants font ainsi partie du patrimoine du nationalisme gallois: il peut s’agir parfois de l’évocation de la longue résistance des tribus à la Rome conquérante; des princes du VIe siècle, tel Maelgwyn de Gwynedd, qui participèrent aux combats contre les envahisseurs saxons et des «rois» qui se disputèrent ensuite les portions intactes de l’héritage celte ; de la brève période d’unification qui accompagna le règne énergique de Rhodri Mawr (843-877), bientôt suivi cependant par de nouveaux partages et, au temps d’Alfred le Grand en Angleterre, par une quasi-soumission; pourtant, de 907 à 948, le règne de Hywel Dda (en anglais Howel the Good) de Dinewr est aussi celui d’un juste codificateur de lois. Au début du XIe siècle, les élans des rois de Gwynedd ont réussi à unifier les Gallois, mais ceux-ci succombent devant les troupes de Harold en 1065, un an avant Hastings; ensuite, il s’est surtout agi de contenir les ambitions des grands comtes normands des frontières, et seul le Gwynedd, dont les souverains ont le titre de «prince de Galles», garde encore une réelle autonomie; les XIIe et XIIIe siècles ont légué surtout le souvenir d’une remarquable renaissance intellectuelle, de poètes et de chroniques de renom (le festival annuel des bardes gallois date de 1176 et de l’initiative de Rhys ap Gruffydd) et de sporadiques combats contre l’Anglais; Llewelyn ap Gruffydd est le dernier prince indépendant, et ses efforts pour affirmer la liberté galloise conduisent au désastre de 1282 et à l’intégration du pays de Galles au royaume anglais par Édouard Ier. Le joug ainsi imposé aux Gallois est défié sporadiquement: de 1400 à 1408, Owain Glyndwr (Owen Glendower) réussit même à reconquérir une quasi-indépendance, mais sa mort en 1415 est suivie d’une reconquête et aussi de la promulgation de dures lois «pénales» qui découragent les candidats à la révolte. Le pays de Galles se signale, sous la première révolution du XVIIe siècle, par un royalisme exceptionnel et par l’adhésion, au XVIIIe siècle, d’une croissante minorité aux thèses d’un méthodisme calviniste très particulier et imprégné de l’angoisse de la prédestination. Il détermine les contours de l’Église constituée en 1811 et qui, depuis l’aube du XXe siècle, s’intitule «presbytérienne».

Prospérité et dépression

Le climat et la variété des sols avaient longtemps associé l’économie galloise à une agriculture intensive dans les plaines et vallées et à un élevage développé sur les plateaux battus par le vent. Quelques massifs forestiers et des dépôts de minerai de fer ont permis, au début du XVIIIe siècle, un premier développement de la sidérurgie ; mais le grand essor coïncide avec celui du charbon et des techniques de la fonte au coke: exploité pour les usages domestiques dès le XIIIe siècle, le charbon est devenu aux XVIIIe et XIXe siècles, dans le Sud, une grande industrie locale, alimentant Cardiff, Newport et, plus tardivement, Swansea en produits d’exportation par mer, procurant le travail à une main-d’œuvre que les industries métallurgiques, moins favorisées par la nature et vite sur le déclin, n’employaient plus suffisamment. C’est alors que le pays de Galles se peuple de hameaux et villages de mineurs, ou de villes étirées le long de ses étroites vallées. Au sud-ouest pourtant, dès le début du XXe siècle, la métallurgie de l’étain, du cuivre, et aussi la production d’acier ont contribué à redonner un souffle à une métallurgie ainsi spécialisée. L’entre-deux-guerres intègre le pays de Galles dans l’ensemble des régions en crise permanente. On prend la mesure des conséquences catastrophiques du déclin du charbon, et les mines, mal entretenues, entrent dans le cycle de la dégradation et de la baisse de la productivité; les ports d’exportations voient fondre une ressource jusqu’alors essentielle; la sidérurgie ne se porte pas mieux. L’aggravation de la crise, après 1929, entraîne un pourcentage inouï de chômeurs, 90 p. 100 à Rhondda, 75 p. 100 à Brynmawr, au moins 33 p. 100 en moyenne; un demi-million de travailleurs doivent s’«exiler» à Londres et dans les Midlands, et les centres d’Ebbw Vale et de Rhondda perdent un cinquième de leurs habitants au cours des années 1930.

La guerre et l’après-guerre ont apporté des améliorations, mais aussi de graves motifs d’inquiétude. Dès 1938, un puissant complexe sidérurgique avait été inauguré à Ebbw Vale; la position géographique du pays a déterminé l’implantation de nombreuses firmes alimentées par des capitaux gouvernementaux, avec l’espoir que les usines seraient à l’abri des bombardements ennemis. Après la guerre, la nationalisation des mines, suivie d’une rationalisation et d’une modernisation, a redonné la vie à la production de charbon, cependant que l’essor des industries métallurgiques se poursuivait sur les sites d’Ebbw Vale, de Margam et de son prolongement portuaire de Port Talbot, de Llanevern près de Newport, et que l’on faisait à Milford Haven un grand terminal pétrolier. Une planification industrielle discrète semblait devoir favoriser une renaissance attestée par la création d’une ville nouvelle, Cwmbran, à 8 km de Newport. Mais la crise contemporaine des années 1970 et 1980 n’a pas épargné le pays de Galles, elle a scellé le déclin croissant du charbon, remis en doute le destin pétrolier, considérablement affaibli les espérances sidérurgiques, relancé le chômage: en mai 1984, dans sept des huit comtés gallois, il a dépassé 14 p. 100 de la population active, culminant à 17 p. 100 dans le Clwyd au nord-ouest, et à 16,8 p. 100 dans le Mid Glamorgan au sud. Le tissu urbain reflète les conditions du développement industriel et maritime, comme les errements de l’économie. Le groupe de centres miniers inclut Merthyr Tydfill et Rhondda; Cardiff est le plus important des ports aux activités diversifiées, comme aussi Swansea et Newport; par contre, on soulignera la grande spécialisation de Port Talbot ou Milford Haven. Les densités urbaines sont modérées par le relief. Seuls deux comtés du Glamorgan comptent, en 1981, une population importante dans des centres de plus de 50 000 habitants (71 p. 100 des habitants du «sud», 46 p. 100 de «l’ouest»); ailleurs, quatre comtés n’ont aucune ville de plus de 50 000 habitants, et deux autres, le Mid Glamorgan et le Gwent, ne comptent qu’un quart de leurs habitants dans de telles cités. La capitale, Cardiff, culmine autour de 280 000 habitants et Swansea ne dépasse pas les 200 000.

La vie politique

Les problèmes ont été longtemps sociaux et religieux; depuis les années 1930, on note une importante résurgence du nationalisme.

Au XIXe siècle, le pays de Galles a subi le reflet des luttes communes à toute la Grande-Bretagne sur le thème de la démocratie. Le mouvement chartiste des années 1838-1854 s’est manifesté avec une particulière violence en 1839 à Newport et dans sa région, où eut lieu une véritable «insurrection» le 4 novembre, quand une dizaine de milliers d’ouvriers, dont beaucoup de mineurs, attaquent l’hôtel de ville de la cité et laissent en fin de compte une dizaine de morts sur le terrain; les meneurs, dont John Frost et sept de ses camarades, d’abord condamnés à mort, voient leur peine commuée en déportation à vie. Moins dramatiques dans les décennies suivantes, les luttes politiques, surtout après les lois de démocratisation du suffrage en 1867 et 1884-1885, démontrent la force du courant libéral: il bénéficie des sympathies des non-conformistes, outrés du statut de l’Église d’Angleterre dans le Pays et qui réclament la séparation de l’Église et de l’État; au début du siècle, l’aile radicale du parti, animée par Lloyd George, tend à unir la contestation religieuse et l’attente de profondes réformes en faveur de la classe ouvrière; bientôt, la concurrence du nouveau Parti travailliste se fait sentir, d’autant que la loi de séparation de l’Église et de l’État, votée en 1914, est effectivement mise en application dès la fin du conflit mondial (1920); l’influence personnelle de Lloyd George contribue cependant à garantir à un parti déclinant de solides bastions gallois. En 1906, le pays de Galles avait élu trente-trois libéraux et un travailliste. En 1923, deux sièges vont aux Tories, douze aux libéraux et dix-neuf au Labour; puis, en 1945, cette répartition est modifiée (respectivement 4, 6 et 25), résultat confirmé en 1959 (7, 2 et 27), povr en arriver, en 1966, à un laminage des libéraux, réduits à un siège, pendant que les conservateurs en gardent trois et que les travaillistes s’en adjugent trente-deux. Aux élections de 1983, vingt travaillistes, dont Michael Foot et James Callaghan, ont plus difficilement devancé les conservateurs (14 sièges), mais l’alliance libéraux - sociaux-démocrates n’a conquis que deux sièges.

En fait, l’irruption du nationalisme dans le combat politique a été un facteur d’évolution. Son importance est presque inversement proportionnelle au destin de la langue «nationale», le brittonique: pratiquée encore par les deux tiers des habitants en 1891, par près de 29 p. 100 en 1951, elle n’est plus parlée que par moins de 19 p. 100 de la population en 1981; chiffre global qui marque des disparitions quasi totales (2,5 p. 100 dans le Gwent; 5,8 p. 100 dans le Glamorgan Sud) et des survies impressionnantes dans les zones plus rurales du Dyfed (46,3 p. 100) ou du Gwynedd (61,2 p. 100). Pourtant, le nationalisme est bien né d’abord de l’ambition de préserver une culture, avant que les difficultés économiques de l’ère contemporaine lui donnent aussi un contenu socio-économique, et, comme ailleurs en Europe, recouvre la quête d’une identité et de solidarités locales au temps de sociétés plus dures et uniformisées. En 1925, John Saunders Lewis a fondé le Plaid Cymru (Parti nationaliste gallois) et a tenté de bénéficier de la crise des années 1930 pour opérer une percée; tenté par la violence, et aussi attiré par le fascisme, il a contribué à un déclin durable du mouvement, malgré les efforts de son nouveau dirigeant, après 1945, Gwynford Evans. Un réveil se produit dans les années 1960, avec l’élection d’Evans au Parlement lors d’une partielle. Une succession de défaites affaiblit les espoirs jusqu’à l’élection, en 1974, de deux députés, chiffre qu’on retrouve en 1979 et en 1983. En 1987, avec 7,3 p. 100 des voix de la région, le Plaid Cymru obtient trois députés et, en 1992, bénéficiant probablement du vent général de mécontement, il passe à 8,8 p. 100 des votants tout en se satisfaisant encore de trois sièges. En fait, le parti a varié constamment entre 8 et 12 p. 100 des suffrages. En mars 1979, un scrutin référendaire avait été organisé par le gouvernement de James Callaghan sur le thème de la «dévolution de pouvoirs» à une assemblée élue galloise, qui eût eu surtout un rôle consultatif. Le «oui» n’obtint que 11,91 p. 100 des voix, le «non» l’emporta avec 46,9 p. 100 des inscrits, un grand nombre d’abstentions (41,2 p. 100) soulignant le caractère irréaliste, aux yeux de beaucoup, d’une revendication surtout culturelle et aussi la déception provoquée chez les jeunes nationalistes par la maigreur des réformes envisagées. De toute manière, l’élan nationaliste gallois ne se compare pas, en intensité ou en violence, avec l’écossais, encore moins avec l’irlandais.

La culture nationale bénéficie des efforts des écoles, de la radio et de la télévision locales. La survie économique de la région et la recherche de nouvelles espérances pour ses jeunes constituent aujourd’hui la véritable pierre de touche des jugements portés par les Gallois sur les mouvements qui tentent de les séduire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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